Ce matin Patrick Lagacé a écrit un billet sur l'histoire de la poursuite du "Petit Jeremy" contre Mike Ward (http://plus.lapresse.ca/screens/e4046826-91ca-4620-9263-c840227c37d0%7C_0.htm). J'ai bien aimé l'angle qu'il a utilisé pour décrire un certain malaise entourant cette histoire et c'est le manque de sensibilité entourant tout ceci qui m'interpelle le plus.
Je ne suis pas un grand fan de Mike Ward, je dois l'avouer. J'évite ses tribunes parce que je n’aime pas vraiment ses propos en général et ce n'est pas un genre d'humour qui m'attire. Ses propos, je les entends rarement, car il y fort longtemps que je me suis rendu compte de l'incompatibilité entre son humour et moi. Dans tout ce qui entoure sa carrière, je me suis dit que j'étais en contrôle de la télécommande et qu'il n'y avait pas de cas en faire une histoire.
Pour le "petit Jeremy" c'est un peu pareil. Je me souviens de son histoire vaguement, mais je dois avouer que je n'ai pas écouté les émissions à l'époque où il a chanté. Je trouvais ça de peu d'intérêt pour moi, bien que j'étais content pour le petit homme et sa famille. Si c'était mon enfant, mon neveu, le fils d'un ami ou d'un voisin, c’eut été une autre histoire, mais dans le cas présent je n'ai pas acheté le Lundi de l'époque, ni le Journal de Montréal, pour en connaitre plus. Mais je me souviens que j'étais content pour le petit homme.
Dans l'histoire présente, il y a un sketch de Mike Ward où il parle du petit Jeremy. Au début du sketch il est correct avec Jeremy, mais à la fin ça finit mal. Il le ridiculise, se trouve déçu qu'il ne soit pas mort, trouve qu'il chante mal et le trouve laid.
Je reprends ici la citation de la fin du sketch qu'a publié Pactick Lagacé dans La Presse: « Cinq ans plus tard, dit-il, y est pas encore mort ! Il meurt pas, le petit tabarnak ! Moi, je le défendais, comme un cave. Et lui, y meurt pas. Moi, je te défends : toi, tu crèves, câlisse. Asti de sans-cœur ! Y est pas tuable. Je l’ai vu aux glissades d’eau à Bromont, l’été dernier, j’ai essayé de le noyer. Pas capable ! Pas capable. Je suis allé voir sur internet, pour voir c’est quoi, sa maladie. Sais-tu c’est quoi qu’il a ? Y est laitte, esti ! »
C'est de l'humour, faut pas prendre ça au pied de la lettre.
Mais...
On parle de quelqu'un dans ce texte, pas d'un personnage inventé/fictif. On parle d'un enfant. D'un enfant qui doit se battre avec la vie à cause de son handicap. Est-ce une raison de ne pas "rire" de lui? Mais est-ce une raison d'être déçu qu'il ne soit pas mort? Il y a une marge non? Si le petit homme ne peut pas comprendre que certaines personnes trouvent qu'il chante mal, je me dirais qu'il doit se faire une carapace parce que c'est impossible de plaire à tout le monde...
Mais quand l'humoriste fait rire son audience en disant comment il est déçu qu'il soit encore vivant.... Comment se fait-on une carapace contre ça en tant qu'ado? Comment répond-on à ça en tant que parent? "Ben non mon fils, t'as rien compris, c'est juste pour rire qu'il dit ça"...
Dans ma tête je m'invente des scénarios avec ceci. En premier je me suis dit comment je réagirais si c'était de mon enfant dont il est question. Après je me suis dit et si c'était l'enfant d'un humoriste dont il est question, réagirons nous, ou la communauté des humoristes, de la même manière? Je me suis imaginé une histoire où le petit Jeremy c'était la fille de Guy A. Lepage et ça m'a fait changé mon angle de perception, car je sais que la petite Bébéatrice est douée d'un talent à faire rire et devient une personnalité un peut publique bien malgré elle.
Donc je me suis imaginé l'histoire de "Joséphine" pour changer les noms et ne pas d'avantage mêler des gens qui ne veulent pas être trop mêlé aux histoires des autres, avec raison.
Donc la petite Joséphine est une petite fille brillante douée de talent et un bel avenir. Un enfant normal quoi. Malheureusement la maison où elle habite passe au feu alors qu'elle est endormie. Elle est sévèrement brulée sur une grande partie du corps, dont la figure. Elle doit se battre pour survivre. Elle y parvient, mais reste avec des séquelles important au visage. Elle a de la misère à se trouver belle quand elle se regarde dans le miroir. Mais entourée de l'amour des siens et malgré une santé très fragile à cause de toutes les opérations et interventions qu'elle a eues durant les dernières années, elle se bat courageusement. Elle a un talent: elle danse. Elle est bonne. Du moins pour ses parents c'est la meilleure danseuse du monde. Son histoire est connue du public étant donné que tout le monde a été touché depuis que le feu à frappé la maison où elle dormait. Un jour, plusieurs années plus tard Céline Dion entend parler de l'histoire de la petite Joséphine. J'utilise Céline Dion, car je peux m'imaginer qu'elle pourrait faire ceci étant donné sa sensibilité pour les enfants. Joséphine rencontre un jour Céline. Céline l'invite à son spectacle au centre Bell et la fait danser devant tout le monde. Consécration.
On est en 2020, par exemple. Un nouvel humoriste sort de l'école de l'humour avec un style un peu trash, en crescendo des dernières décennies d'humoristes. Appelons notre humoriste Jean Bon. Il fait un monologue où il dit comment il trouve qu'elle danse mal, même si c'est avec Céline Dion et il termine son sketch ainsi:
« Cinq ans plus tard, dit-il, elle est pas encore morte ! Elle meurt pas, la petite tabarnak ! Moi, je la défendais, comme un cave. Et elle, a meurt pas. Moi, je te défends : toi, tu crèves, câlisse. Asti de sans-cœur ! Est pas tuable. Je l’ai vu aux glissades d’eau à Bromont, l’été dernier, j’ai essayé de la noyer. Pas capable ! Pas capable. Je suis allé voir sur internet, pour voir c’est quoi, sa maladie. Sais-tu c’est quoi qu’elle a ? Est laitte, esti ! »
Son public rit. Un peu jaune mais il rit. Son non-public le trouve con de dire ca, mais ca doit être parce qu'ils ne savent pas rire.
La petite Joséphine voit le sketch sous YouTube ainsi que tous les enfants de l'école. Elle se fait rappeler qu'elle est laite par les autres enfants. Les parents la voit affecté parce que les gens disent de leur fille et son affecté de voir leur enfant devenir suicidaire durant sa crise d'adolescence.
Est-ce que l'humoriste avait le droit de dire ce qu'il a dit et de s'acharner sur "Joséphine"? La liberté d'expression dira surement oui.
Même s'il s'agit d'un enfant..
Les amis humoristes de Jean Bon diraient surement la même chose que les amis de Mike Ward "Jean c'est un bon gars, je l'ai vu donner 10$ à un itinérant l'autre jour. C'est juste de l'humour". Si c'était l'enfant d'un autre humoriste ou d'un ami artiste, diraient-ils la même chose?
Mais il n’y a personne parmi les amis humoristes pour dire que les propos mentionnés ne sont pas si défendables que ça? Personne pour se mettre dans la peau de celui qui est attaqué dans le sketch pour dire que ce n’est pas correct de s'attaquer ainsi à un enfant? Personne pour aller dire à Jean Bon/Mike Ward "Aye, si j'étais toi j'irais visiter Jeremy/Josephine avant de continuer à utiliser ton sketch juste pour qu'ils sachent que ce n’est rien de personnel"
On peut être Charlie sans devoir cautionner tout ce qui se dit...
Depuis mon adolescence mon idole en humour c'est Yvon Deschamps. Comme style d'humour, il est assez rude des fois et n'a pas trop de misère à rire des autres. Mais il le fait avec une sensibilité différente. Je me souviens d'un monologue sur l'enfant mongol de son "personnage". Bien que son personnage riait de son enfant mongol, on en a retenu davantage sur la difficulté de vivre avec un tel enfant et sur l'affection portée par ce père envers son enfant que tout le reste. Quand Yvon avait un "ami" handicapé avec lui sur "stage" lors d'un festival, son "personnage" a bien ri de son ami (ou avec son ami). Mais dans les deux cas, on en ressortais comme ayant appris quelque chose d'humains sur vivre avec un enfant "mongol", ou être une personne handicapée. C'était là une grande force d'Yvon Deschamps, de nous ouvrir le coeur après avoir passé par un humour que certains pourraient considérer rude...
Mais on a appris quoi du monologue de Ward?
Est-ce que Deschamps aurait pu écrire sur le petit Jeremy? Je pense que oui. Je pense que 80% du contenu du monologue de Ward aurait pu s'y retrouver. Mais il nous aurait surement rappelé que le plus grand défi qu'il l'attendait, maintenant qu'il avait survécu toutes ces années "contre toute les attentes du personnage", c'était de passer à travers l'adolescence... Il aurait surement souhaité bonne chance au parent.
Moi ce qui me surprend dans tout ceci c'est qu'après avoir constaté que les propos ont eu de telles conséquences sur le "petit Jeremy" qu'il y a personne dans l'entourage des humoristes du Québec qui n'a essayé d'agir en tant que pont entre le Jeremy et Mike Ward. Une telle attention, et des excuses/explications auraient surement fait mieux que de se retrouver en cours.